Saleté de monde. Saleté de vie. Saleté de guilde. Saleté.
Saleté que j'étais. Saleté que je reste, que je resterais. La massive porte était aujourd'hui une sortie de secours. C'était la porte par laquelle je m'enfuirais pour la journée avec une mission à faire. Fallait bien bosser de fois. C'était plus simple de voler son pain, mais fallait que je m'achète des bouquins pour contrôler mon pouvoir. Introuvables en bibliothèque, même à Crocus, et combien d'heures y aie-je passé pour trouver ces fichus bouquins. Et des fringues. J'avais la mauvaise tendance à les décimer en quelques minutes lors des combats... Sans parler d'un logis. Dormir en plein air n'était pas toujours un réel repos, surtout dans la forêt noire.

- Où est la personne qui s'occupe de me faire rentrer ici !? Vite, je n'aime pas perdre mon temps !

La porte s'est ouverte à la volée, alors que j'étais encore dans cette espèce de vestibule piégé qui servait d'entrée à ce taudis.
Un mec habillé en noir s'est présenté devant moi en hurlant. et on fait le poisson ~, trouble pas le silence de ces lieux, crétin... Il avait des cheveux noirs de jais, avec des reflets violets.
Ses grands yeux bleus clairs pétillaient. Un gamin qui ne savait pas où il entrait. Encore marqué de l’innocence de ceux qui ont un rêve à accomplir. C'était pas ici qu'il fallait entrer petit...

- C'est pas une auberge ici petit. Ici, c'est les portes de l'enfer. Ça inhale tes sens et te change à jamais. Te faisant oublier tes idéaux, rêves. Jusqu'à ta propre existence.

Je l'ai regardé dans ses yeux bleus clairs. Il avait le même âge que moi, mais ressemblait au type que j'étais il y a a peine quelques mois. Avant "tout ça".

- Fais demi tour. C'est un lieu à éviter.

Je n'ai pas vérifié s'il déguerpissait. S'il réfléchissait même. Je suis passé. C'était l'aube, il était tard par rapport à d'habitude. J'étais en retard.
La ville, la campagne, le monde était toujours plus beau au petit matin.
Il semblait abandonné. Loin de toute trace humaine. Ces maisons semblaient n'être que des ruines. Les hommes ayant fui.
C'était agréable.

Le type a hésité quelques secondes. J'ai accéléré le pas, car je savais qu'il n'allait pas lâcher.
Il s'est posté devant moi plus vite que je ne le pensais. Ce qui était étrange avec les gens de Dark Dragon, c'est qu'ils avaient tous ce caractère à la con, belliqueux et arrogant. Chaque personnage était un miroir des autres, un verre poli dans lequel on se voyait nous même. Tous pareils. Le coeur aussi noir les uns les autres. Et personne ne pourra plus me tirer de là. Quelqu'un le pouvait avant. Mais qui ? Vague de douleur dans ma poitrine.

- Écoute moi bien toi, je ne t'ai pas demandé les effets de cet endroit, j'ai demandé qui s'occupe des inscriptions ici, d'accord !? Alors, maintenant je te le demande, une dernière fois pense tu vraiment que je suis assez cinglé pour venir me présenter ici, sans aucun motif et avec un idéal comme un petit gentil mage !? D'accord j'ai un rêve, peut être, mais celui-ci jamais je ne pourrais l'oublier.

Un rêve. Un rêve. J'en avais un aussi. Tu te souviens, Jude ? La petite fille aux cheveux de jais et aux du ciel...
Ta g*eule...
On est tous cinglés ici. Toi aussi. Moi aussi.
Il m'a bousculé. Les souvenirs ont reflué. La malédiction s'est emparé de moi, une fois de plus.
J'ai accédé à ce rêve.
Encore un rêve de vengeance.
Il sait que ça finit mal en général ?

- Maintenant parle, avant que sa soit moi qui te fasse parler !

J'ai sourit de façon ironique. Il était à deux doigts de me frapper. Il savait les risques qu'il prenait, à parler aux inconnus le gamin ? Je ne plaisantais pas quand je parlais des portes de l'enfer.

- C'est peut être une guilde, mais la pire des guildes ici. Aucun ordre, tout est chaos ici. Personne s'occupe de toi. C'est à la limite si certains criminels ne se planquent pas ici quelques temps sans que personne ne se soit doutés une seconde de leur identité, tant on s'en fous de leur identité et de leurs réelle appartenance à cette guilde.

J'ai continué à sourire, et fait refluer mon pouvoir, pour éviter de mettre pour moi mes propres paroles. Ça me fera réfléchir, et c'est pas bon. J'ai pas vraiment réfléchi lorsque j'ai passé les portes de l'enfer, j'ai pas réfléchi lorsque j'ai déclenché mon pouvoir, pas réfléchi lorsque j'ai vendu mon âme.
Pas réfléchi lorsque je l'ai vu partir. J'aurais pu la rattraper, lui dire de m'emmener avec moi, même si elle ne voulait pas de moi comme je l'entendais, on serait redevenus ce qu'on était avant, j'aurais mis mes sentiments de côté. J'aurais pas réfléchi non plus.

- Donc va mourir tout seul. Entre là dedans, incruste toi. C'est pas mon problème.

- Ecoute moi bien, je ne te demande pas de pitié avec moi, mais je dois absolument accomplir ma vengeance... Alors franchement j'ai pas envie qu'on me laisse seul. Une fois, juste une fois dans ta vie tu pourrais aider quelqu'un non !?

Juste une fois dans ta vie tu pourrais aider quelqu'un non !!? Devrais-je avoir pitié de ce pauvre mec ?
J'avais aidé quelqu'un. Je me souviens. Qui ? ...
C'est vrai. Elle était brune. Des reflets bleus. Et des yeux comme le ciel. Elle riait. Elle souriait. Me souriait. J'étais un mec bien.
Un homme n'est pas mauvais en soi. Il le ... devient. Comme moi. Il porte le mal, et le laisse grandir, comme il peut l'éradiquer.

- Je m'appelle Owen Fox , et je suis mage , et je veux rentrer dans Dark Dragon ! Il faut que je trouve qui a tué ma famille , et le seul moyen est cette guilde, de toute façon j'en ai rien à faire des dégâts collatéraux, et des retombés, la vengeance est mon seul souhait ! Tu voudrais être ami avec moi, ou au moins pote... ? J'ai toujours été seul..

A Dark Dragon je ne connaissais pas les gens, mais je connaissais leur histoire. A presque tous. Ils avaient en eux une vengeance. C'était tellement pas original... Un de plus, un de moins on pouvait dire. Moi, je n'avais plus de vengeance. Tuer un mort allait être difficile. Je me noyais dans ma souffrance, jusqu'au jour où j'allais mourir.
Peut être que mourir avec un ami allait être plus facile ? N'importe quoi...
Pourtant je me suis retourné. Au puis m*rde. Il me servira peut être un jour après tout. Je me suis approché du garçon. Il s'est mis en position de défense, croyant que j'allais frapper. Je n'en fis rien, et lui tendis la main.

- Ça marche. Mais ce ne sera pas ma faute si tu te tues dans ce merdier.

Sans lui laisser le temps de réagir, je me suis dirigé vers le bâtiment. Espérons que ça soit rapide, il partirait en mission avec moi. Seul inconvénient : partager les gains. Enfin bon. Ça me faisais un bouclier, et je n'avais pas besoin de tant d'argent.

- Au fait, tu ne m'as toujours pas dit comment tu t'appelles, entre partenaire, on devrait au moins savoir comment on s'appelle non ?

Le garçon semblait très enthousiasmé. Un peu trop. Un semblant de culpabilité m'envahit. J'allais le manipuler si ça se trouve. Et il me faisait confiance.
J'ai chassé ce sentiment. Depuis quand les monstres de cette guilde éprouvait-il la moindre émotion ? J'avais tout vendu. J'ai aussitôt repensé à la bague. Qu'attends-tu pour la mettre ?

- Dit moi, tu penses qu'on pourrait avoir une première mission ensemble ou non ? Je te dis ça comme ça mais bon j'ai vraiment besoin de sous en ce moment moi !

Ça tombait bien, moi aussi. J'étais un peu fauché, ça faisait un bail que je n'était pas parti depuis ma période de déprime. Encore heureux, j'avais gardé toute ma tête. Hors de question de toucher aux produits illicites que se passaient les membres de ma guilde, mais je n'en avais pas demeuré moins abruti par la souffrance.
Je lui ai sourit. Quel hypocrite je faisait. Que se passerais t-il si je mettais finalement l'anneau de Père ? Oublierais-je ce que je lui ai fait oublié ? Oublierais-je pourquoi je m'en voulais autant ?
En pensant cela je triturais l'anneau dans son mouchoir. Je me surprenais à espérer que le tissu satiné glisse et que l'anneau doré rejoigne mon doigt. Qu'il m'enlève ma souffrance et demeure à jamais en moi.

- Jude Sakkaku, aie-je dit en lui tendant ma main encore une fois en optant pour mon vrai nom. Cela tombe bien, je partais justement pour une mission plutôt bien payée.

J'ai terminé ma phrase avec un sourire malicieux, puis nous sommes rentrés à nouveau dans le massif bâtiment qui servait de repère à Dark Dragon, au milieu de la forêt sombre.