Minoru Takuma

Yûki H. Icefield

Yûki ne put réprimer un long soupir qu'elle retenait depuis longtemps. Enfermée dans son bureau, elle avait passé la journée à se torturer l'esprit. Avec l'arrivée de nouveaux mages et l'état actuel des choses, elle ne savait plus trop quoi penser. S'occuper de ses papiers était soudainement devenu une tâche très intéressante et bien moins ennuyante qu'en temps normal. Au moins, en travaillant, elle évitait de trop penser à ce qui n'avait rien à voir avec ce qu'elle faisait. Cependant, dès qu'elle s'octroyait une pause, toutes ses questions revenaient au galop dans son esprit.

La jeune femme se renfonça un peu plus dans son fauteuil, laissant sa tête douloureuse reposer en arrière. Elle étendit les jambes comme pour s'étirer puis elle se leva. Elle avait la tête lourde et se sentait assez lasse, sans doute parce qu'elle avait travaillé toute la nuit. Elle s'approcha de la fenêtre et colla ses tempes battantes contre la vitre étonnamment fraîche. Il était encore relativement tôt, le soleil se levait à peine.

La jeune femme accumulait les nuits blanches ces derniers temps. Elle ne se sentait pas tranquille. D'un naturel assez méfiant, elle ne pouvait s'empêcher d'observer les alentours lorsqu'elle quittait la guilde, à la recherche du moindre individu suspect, une guerre ayant été déclarée sans le moindre mot. Cette pensée fit lâcher un nouveau soupir de lassitude de la part de la reine des fées. Elle n'avait aucune envie de tomber dans la paranoïa. Elle l'était déjà assez envers elle-même.

La jeune Master quitta son bureau. Elle salua les quelques mages du premier étage puis commanda une boisson qu'elle but rapidement. Malgré les récents événements, les mages de Fairy Tail restaient les mêmes : toujours si téméraires, si têtes brûlées, si fonceurs et sans doute plus déterminés encore qu'auparavant. Yûki ne pouvait que se demander plus souvent encore ce qui avait poussé son mentor et précédent maître à la choisir elle plutôt qu'un autre. Aussi loin qu'elle se souvienne, le maître avait toujours été assez énigmatique avec elle, et ce depuis le jour où elle était tomber en plein milieu de la taverne de Fairy Tail.

Yûki quitta le comptoir et après avoir donné quelques directives, elle quitta la guilde. Elle avait des affaires personnelles à régler et devait par conséquent se rendre dans le nord. C'était une chose qu'elle n'avait pas faite depuis plus d'une dizaine d'années et elle appréhendait légèrement son arrivée dans son village. Depuis le temps, les gens avaient probablement oublié son visage mais pas le massacre dont elle avait été responsable. Elle préféra donc éviter Yuyama et se contenta de rester aux alentours.

Son corps était habitué au climat ambiant, ainsi elle n'eut aucun mal à retrouver ses repères malgré toutes ses années passées loin de chez elle. Par automatisme, elle se rendit aux cascades du cristal. Petite, elle y venait souvent avec ses parents qui lui racontaient de nombreuses légendes sur l'endroit. C'était dans ces moments de nostalgie qu'elle regrettait de ne pas savoir plus de choses sur ces origines.

Plongée dans ses pensées, elle oublia un instant le fait que n'importe qui pouvait se cacher n'importe où. Mais cet instant fut de courte durée.

« Je sais qu'il y a quelqu'un. Montrez-vous ! »

Si elle avait été suivie alors elle aurait vite fait de trouver qui était son pisteur.

Elle regardait partout autour d’elle, prête à attaquer ou à contre-attaquer, bien que ce ne fut pas son plus grand plaisir. Si la reine des Fées se trouvait dans les cascades du Cristal, c’était bien pour changer d’air, en espérant qu’elle ne ressente pas trop les tensions qui régnaient dans les autres régions de Fiore. Changer d’air, c’était faire abstraction de sa magie, des dangers qui couraient, même si elle restait sur ses gardes malgré elle. Mais elle se sentit obligée de poser une main sur la garde de son épée. Elle avait toujours été d’une nature méfiante, même si c’était plutôt d’elle que les gens devaient se méfier. Enfin… Toujours était un bien grand mot, car en réalité non, ça n’était pas le cas depuis sa naissance. Mais tout ceci n’était là qu’un simple détail à laisser de côté.

« Je ne me répèterai pas ! »

Elle tourna sur elle-même, dans l’espoir de repérer quelque chose, ou d’entendre. Mais les cascades qui hurlaient derrière elle perturbaient son ouïe, si bien qu’elle se trouva incapable de percevoir le moindre son atypique. Alors elle patienta une seconde, puis une autre, jusqu’à ce qu’enfin, quelqu’un apparaisse. C’était un homme, qui semblait visiblement être en pleine convalescence. Yûki le fixa un instant, sortant un peu plus son épée de son fourreau de seconde en seconde, par précaution. Il lui fallut une observation puis poussée pour qu’elle ne percute et ne pointe son épée sur l’homme qui approchait. Comment une telle chose était-elle possible ? Rien ne pouvait traduire la surprise que ressentait la jeune femme si ce n’était son œil de glace brillant et légèrement écarquillés. Elle ne se souvenait pas avoir déjà eu l’occasion de le rencontrer face à face pour la simple et bonne raison qu’elle s’était toujours tenue à distance des guildes noires et  de leurs membres. Mais elle ne s’était pas attendue à un tel spectacle. Aussi ne put-elle s’empêcher de bafouiller, malgré tout la maîtrise d’elle-même et tout le sang-froid dont elle savait faire preuve :

« T-Takuma… Impossible. »

Lorsqu’elle réalisa que le maître de Dark Dragon censé être six pieds sous terre s’approchait peu à peu d’elle, Yûki recula d’un pas, plongeant l’un de ses pieds dans l’eau de la cascade. C’était impossible. Comme tout le monde, elle avait appris que Minoru Takuma était mort, ou du moins, il était censé être mort. Mais la personne qui se trouvait en face d’elle… La reine des fées ne pouvait pas s’être trompée. Même si physiquement, le changement était flagrant, les traits du visage eux ne trompaient pas, et il n’y avait aucun doute qu’il s’agissait du visage de Takuma. Mais qu’est-ce qu’un mage tel que lui, puisqu’il paraissait être en vie, faisait dans un tel endroit, lançant naïvement une question à la maîtresse d’une guilde officielle qui pouvait facilement l’éliminer au vu de son état ? Ce n’était pas logique. Elle allait prendre un risque, mais il fallait qu’elle obtienne des informations. Elle n’aurait sans doute pas le loisir de tomber sur un revenant une seconde fois.

Yûki abaissa son épée, sans pour autant la remettre dans son fourreau et dégagea sa botte de l’eau pour la reposer sur la terre ferme. Elle fronça ensuite les sourcils et chercha à croiser le regard du revenant.

« Que faites-vous ici ? Puisque de toute évidence il vous reste encore un souffle de vie. »